Malajube au Crapet-Soleil (29 juillet 2006)
Mise en contexte
Le soleil survolait tout le ciel de Charlevoix samedi dernier. C'est donc dans un esprit de réelle bonne humeur que je suis embarqué, l'un des derniers, sur le traversier de 15h qui me ferait glisser jusqu'à la rive de l'Isle-aux-Coudres où j'allais passer la journée, la soirée et la nuit de samedi à dimanche. J'aime l'été!
Plug
L'Isle-aux-Coudres, en plus d'être un endroit magnifique et reposant, possède une auberge culturelle qui, à elle seule, rehausse la qualité de vie des jeunes assoifés de culture de la région de Charlevoix et des environs. En effet, le sympathique Crapet-Soleil, tenu de main de maître par Carolanne et Daniel, est l'endroit de prédilection pour assister à des spectacles intimes de qualité. Ce joli bistrot, qui fêtera ses 5 années d'existence sous peu, possède une petite salle de spectacle fort chaleureuse, une terrasse vivante, un menu savoureux et très abordable, de la bonne bière, un hébergement varié (camping, tipi, chambres, cabine, etc.) et un personnel fort attachant. Toutefois, à mes yeux, c'est la qualité de leur programmation qui rend l'endroit aussi précieux. Cette année seulement, des artistes tels que Karkwa, Philippe B., Galaxie 500 et Malajube ont traversé le Fleuve pour venir faire la fête au Crapet-Soleil, une salle très convoitée par les artistes de la relève.
Événement déclencheur
Hier soir, justement, c'était au tour de Malajube de fouler la petite scène du Crapet-Soleil pour la première fois. C'est un peu avant l'heure du souper, alors que j'enfilais le casque de vélo que je porte par obligation morale, qu'un gros campeur blanc traînant une petite remorque a fait son entrée sur le stationnement de l'auberge. Les gars de Malajube en sont sortis en criant:"Enfin arrivés, après 14 heures de route...".
Pendant que je faisais le tour de l'Ile à vélo avec un casque, une question m'habitait: est-ce que cette jeune formation, pour qui la critique s'est amourrachée sur le champ, roule assez sur l'or pour se payer un Winnebago digne des plus grands groupes de musique de l'Amérique? J'ai rapidement appris, après en avoir parlé avec Thomas Augustin, le claviériste, lors de mon retour à l'auberge, que ce n'était pas le cas... "Hier, on jouait à Guelph, en Ontario, et on ne voulait pas être trop serrés pour faire les 14 heures de route qui nous séparaient de l'Ile. Sauf que je pense que c'est la dernière fois qu'on loue un campeur: ça coûte cher pis y'a juste Mathieu (le bassiste) qui a le permis pour conduire ça". Plus tard, pendant leur prestation, Julien a ajouté: "On ne trouve pas de place pour vider le boyau à marde, pis c'est 25$". Bon, ça va, je suis rassuré: les gars de Malajube ont la cote, mais ils ne sont pas encore assez "big shot" pour passer l'année à voyager dans un Winnebago de tournée.
Hamberger / One-Two-Testing / Autographes
Le souper d'avant-spectacle fut accompagné d'une trame sonore composée de sound checks, de débuts de chansons et de "one-two-testing". Par contre, il aurait fallu plus que ça pour ne pas apprécier les délicieux hambergers préparés par Carolanne, notre hôte. Accompagnés d'une bonne pinte de blanche, c'était du bonbon. Petit détail qui fait sourire: pendant l'heure du souper et une partie de la soirée, une jeune fille âgée d'environ 10 ans faisait le tour des Malajubiens pour faire signer son étui à disques compacts. Par contre, rassurez-vous, elle était de loin la plus jeune; ce qui différencie encore largement Malajube des Trois Accords...
Est-ce qu'il va finir par parler du spectacle?
Lorsque le soleil a pris une retraite bien méritée aux alentours de 21h, la salle était remplie de jeunes qui carburaient davantage à la sangria qu'à la Labatt 50. La chaleur de la journée avait rougi les joues des quelques 50 personnes qui commençaient à s'entasser dans l'auberge pour entendre ce que Malajube avait dans le ventre (outre les hambergers de Caro, on s'entend).
Parenthèse
Pour moi, l'arrivée de Malajube dans l'industrie musicale du Québec est majeure. Leur disque est d'une qualité indéniable et il était grand temps qu'un groupe francophone de ce genre vienne faire sa place à côté d'Arcade Fire, Wolf Parade et compagnie. Cependant, je n'ai jamais trouvé que Malajube arrivait à produire l'équivalent de leur album en spectacles. Je trouve que ces derniers n'arrivent pas à accoter l'album, et ce, malgré toute la bonne volonté du band et malgré le fait que j'éprouve tout de même un malain plaisir lorsque je les vois "live". J'ai juste l'impression que la magie et la profondeur de l'album sont difficiles à transférer complètement sur scène. J'éprouve totalement le contraire avec Galaxie 500, qui réussit à surpasser ses albums lorsque la machine se met en branle sous nos yeux.
Ok, aboutis: le spectacle, lui, il était comment?
Dès les premières notes, j'ai été rassuré: le son était bon, voire même meilleur qu'à l'habitude, car il faut dire que le plafond du Crapet est bas et que l'acoustique est loin d'être parfait. Les gars ont commencé leur set doucement. Comme il fallait s'en douter, la température a monté d'un cran lorsque, à la troisième ou quatrième chanson, ils nous ont balancé Montréal -40. Par la suite, l'intensité a pris son envol et n'a jamais cessé d'augmenter. Le point culminant a eu lieu lors de Filles à Plumes, ma chanson préférée et, visiblement, une chanson appréciée par plusieurs, car un espèce de petit "slam" gentil s'est créé dans le coin gauche de la salle pour accompagner cette pièce furieuse qui me rappelle l'énergie débridée de Mars Volta. Autres moments forts: Monogamie et Casse-cou. Comme la réalité de l'Ile l'oblige en raison du dernier traversier, le spectacle a pris fin vers 23h, après un rappel décousu d'environ 4-5 chansons qui s'est terminé sur des notes insupportables s'évadant de la guitare de Julien. Le message était clair: le show est terminé... Ce fut un spectacle efficace. Les chansons de Malajube se suffisent à elles-mêmes. D'ailleurs, heureusement qu'ils ont de bonnes chansons, car ils ne sont pas très bavards et motivés à instaurer un contact autre que musical avec la foule, ce que je respecte. Disons juste qu'ils sont très différents des Dales Hawerchuck qui, contrairement à Malajube, mettent pratiquement autant de vie et d'effort entre leurs chansons que pendant celles-ci. Au niveau musical, la voix de Julien était très juste (on dirait qu'il chuchotte, mais avec force et naturel), tout comme son jeu de guitare subtil, mais franc et direct. J'ai souvent l'impression, lorsque je le regarde jouer, qu'il aimerait sortir du cadre des chansons, jammer, changer, inventer, etc. À ses côtés, les assauts vocaux de Thomas ajoutaient de la folie à la voix de son comparse tout en m'aparaissant un peu plus hésitante et moins stable. Par contre, son énergie et l'efficacité de son jeu de clavier compensent pour ces détails mineurs et de moindre importance. La section rythmique est, de son côté, régulière et sans tache. On sent que l'apport de Francis, qui joue de la batterie avec force et précision, est indéniable et que celle de Mathieu, qui est un peu plus effacée, est rassurante et enveloppante. Mention spéciale au cinquième Malajube qui a passé la soirée à changer d'instruments et à donner tout ce qu'il avait dans le ventre pour faire éclater les mélodies du groupe aux quatre coins de la salle. Lorsque les dernières notes se sont éteintes et que les lumières se sont allumées, j'ai vu passer la jeune admiratrice de Malajube qui pressait fermement son étui rose contre le t-shirt trop grand de son groupe préféré avec un sourire fendu jusqu'aux oreilles. Elle ne devait alors que peser une plume...
Conclusion
J'ai donc repris le traversier ce matin et je n'ai pu m'empêcher d'écouter Filles à plumes pour faire fondre les petits croutons secs que j'avais autour des yeux et pour me rendre compte que, finalement, j'avais encore une fois passé une très belle soirée au Crapet-Soleil!
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