dimanche, octobre 15, 2006

Samedi après-midi, inconfortablement assis dans l'autobus qui me reconduira à la Malbaie, je feuillette une revue de musique en repensant à la fin de semaine que je viens de passer à Montréal.

Je ne fais pas partie des rares chanceux qui ont la chance de ne pas avoir de voisin immédiat dans l'autobus. J'ai tout fait pour faire sentir aux passagers qui cherchaient un banc que je n'étais pas en mesure de les recevoir tout de suite: manteau sur le banc voisin, disques empilés tout croche sur mes genoux, regard fuyant, cannette de boisson gazeuse à la main... Ce n'était pas assez. Un sympathique jeune homme à l'air inoffensif semble en train de me dire quelque chose. J'enlève mes écouteurs.

- Est-ce que je peux m'asseoir ici ?, me demande-t-il poliment.
- Bien sûr, lui réponds-je avec un faux sourire.

Le mec s'asseoit, je dépose mon arsenal sous mes pieds et je replonge dans ma revue qui traite de VoiVod, Mike Patton, Calexico, Melvins, etc.
À 14h pile, l'autobus démarre en direction de Québec, trois heures à être à l'étroit, à ne pas pouvoir déplier mes jambes et à tout faire pour ne pas que mon coude frôle celui de mon voisin qui tente aussi de profiter du trajet pour lire un bouquin.

Une fois arrivés sur l'autoroute 40, plusieurs ont trouvé sommeil. C'est également le cas de mon voisin. La tête par en arriève, livre sur les genoux, il m'apparaît évident qu'il dort, car sa bouche, légèrement ouverte, semble molle et sa tête valse de gauche à droite au gré des coups de volant du jeune chauffeur. Tout est paisible.

Le moteur de l'autobus ronronne en coeur avec la musique que j'écoute lorsque, de façon abrupte, un autre son se joint à l'orchestre: mon ami de droite ronfle. Ce n'est pas un filet de reniflement, il s'agit ici d'un ronflement d'homme.

Mon premier réflexe est de sourire, car je sais que plusieurs personnes l'entendent et que lui, bien entendu, il ne s'en doute pas du tout. Rapidement, je paranoïe à l'idée que les gens qui ne le voient pas croient que je suis l'auteur de ces bruits primates. Pour faire taire les éventuelles rumeurs, je bouge, je tente de paraître le plus grand possible, je tousse et je lis ma revue à une hauteur qui permet aux autres passagers de voir que je lis, je ne dors pas.

Les ronfelements s'accentuent à un point tel que je dois monter le volume de mon vieux lecteur cd, car je ne suis pas encore à l'ère des I-Pod. J'écoute du Micah P. Hinson, un nouveau disque que je me suis acheté la veille. C'est en levant le son que je me rends compte que j'avais passé un bon 20 minutes à l'écouter sans réellement faire attention, comme lorsqu'on tourne la page d'un livre et qu'on allume qu'on n'a rien lu. En parlant de livre, mon coloc de banc, en dormant, ne se rend pas compte que son gros livre à peine entamé glisse de ses genoux à chaque 5 minutes. Lorsque ce n'est pas moi qui le ramasse, c'est sa voisine de droite. Est-ce possible de dormir aussi dur? J'ai presque eu envie de lui voler son portefeuille!

Je me concentre donc sur la musique qui envahit mes oreilles en guise de lutte contre les bruits de cochon qui émanent de la bouche molle de l'homme qui dort près de moi. Je suis charmé. Quelle belle musique! Dans les circonstances, c'est parfait: pas trop relaxe, pas trop agressif; juste bien.

Ce qui m'épate de cel album, que j'ai écouté 4 fois de suite jusqu'à ce que j'arrive à la Malbaie et que je me rende compte que je n'ai pas dormi du trajet, c'est que le fil conducteur de l'album finit par nous hypnotiser à un point tel qu'on a l'impression de connaître ces chansons depuis plusieurs années. En fait, cet album pourrait constitué une seule et longue pièce, un peu comme Melody Nelson de Gainsbourg. Pour ceux qui aiment avoir des références, cet album de Micah P. Hinson peut faire penser à Beck (Sea Change) au niveau de l'ambiance, mais avec moins d'orchestrations; à Arizona Amp and The Alternator, à Phillipe B (minimalisme, arrangements) à Lambchop, à Will Oldham et peut-être même à Neil Young. C'est minimaliste, moderne, bien réalisé et la guitare, simple et douce, sert de trame de fond à un album fascinant.

Lorsque les lumières intérieures de l'autobus s'allument et que le chauffeur prend le micro pour dire: "La Malbaie", j'enlève mes écouteurs en réalisant à quel point ces voyages en autobus me font du bien et me permettent d'écouter des albums de façon plus concentrée que si j'avais dû conduire. Le résultat est concluant: je suis tombé sous le charme de Patrick Watson et de Micah P. Hinson à un point tel que j'oublie que, la veille, j'ai eu la chance de voir Tv On The Radio au National...

mardi, octobre 10, 2006

Avoir du caractère ou avoir "mauvais caractère"?

Ce blog est normalement réservé à la musique et il continuera à l'être, car je n'ai pas réellement envie d'y raconter ma vie, aussi ordinaire soit-elle.

Sauf qu'aujourd'hui, j'ai envie de m'exprimer au sujet du caractère; dans le sens de "avoir du caractère".

Qui n'a jamais entendu quelqu'un décrire un autre quelqu'un en disant: "Elle, elle a du caractère; elle ne se laisse pas marcher sur les pieds" ? Parfois, on peut même être témoin d'une personne qui se décrit elle-même comme étant quelqu'un qui a du caractère.

Permettez-moi de vous écrire ce que je pense de cette définition, car ça fait longtemps que la chose m'inspire...

Commençons le tout à l'aide d'un exemple qui pourrait aisément être tiré d'un feuilleton quelconque ou d'un film typiquement français:

Jeannine a eu une très mauvaise journée au boulot. En revenant à la maison, elle ne s'endure pas et c'est Louis, son fidèle mari, qui encaisse sa frustration. Au cours du souper, Jeannine entraîne son mari sur un terrain glissant: la fidélité. Ce dernier, loin d'être parfait, finit par avouer qu'il a déjà "flirté" légèrement avec d'autres filles, mais sans plus. Jeannine, blessée dans son orgueil, le traite de salaud. En guise de réplique, Louis lui dit ceci: "Toi, tu m'as bien déjà trompé avec Hugues, mon cousin". Et vlan! Paf! La fameuse claque féminine vient d'atérrir sur la joue mal rasée de Louis.

Pendant ce temps, dans plusieurs chaumières du Québec, il y a sûrement quelques milliers de personnes qui se disent ceci: "Hey Sainte! Elle a du caractère la petite".

Je dois passer aux aveux: je ne suis probablement pas décrit comme une personne ayant du caractère. D'ailleurs, je ne me définis pas d'emblée comme tel non plus.

L'expression "avoir du caractère" cache souvent l'adjectif "mauvais", pour "avoir mauvais caractère". Pour bien vivre avec ce genre de défaut ou pour être certains de ne pas faire sortir l'autre de ses gonds, les gens préfèrent dire qu'ils "ont du caractère".

Parmi les films qui m'ont marqués, Haute Fidélité arrive certainement en tête de liste, et ce, en partie à cause de l'explication que le personnage de John Cusak donne du caractère. En parlant de sa blonde, il dit quelque chose qui ressemble à ceci:

"Elle a du caractère. Pas du caractère dans le sens qu'elle est bête; du caractère dans le sens qu'elle ne rejette pas ses frustrations personnelles sur le dos des autres".

Je suis totalement d'accord avec lui. Je trouve qu'on a souvent tendance à dire qu'une personne a du caractère pour qualifier positivement des attitudes pas toujours très agréables: manque de diplomatie, air bête chronique, excès apparent de confiance, sens de la répartie qui crisse des froids.

Je trouve alors bien souvent que les gens qui doivent crier haut et fort leurs opinions n'ont pas nécessairement de caractère, au contraire, ils ont tellement peur ou ils n'ont tellement pas confiance en eux qu'ils croient essentiel de faire peur à l'autre pour ne pas être dans l'embarras. Si tu oses répliquer, t'affirmer ou dire le contraire, leur gros caractère les pousse parfois à te raccrocher au nez, à te sacrer un coup de poing fans la face ou à se réfugier dans un mutisme très révélateur. Par exemple, Jean-Luc Mongrain, J-F Fillion et André Arthur ont, selon moi, probablement moins de caractère que bien des gens qu'on peut trouver mous au premier regard.

C'est comme si avoir du caractère rimait automatiquement avec: être bête, être sec, parler fort, claquer la porte ou cogner sur la table en parlant.

Si tu écoutes, si tu fais preuve de diplomatie, si tu prends du recul ou si tu ne vois pas l'utilité de crier pour te faire comprendre, tu es souvent perçu comme étant dénudé de caractère, voire mou... En enseignement, c'est d'ailleurs bien connu!

C'est un peu pourquoi je trouve que bien de débats publics auxquels nous assistons sont davantage des combats de coqs que des combats idéologiques profonds. Aussitôt qu'on est en présence d'un caractériel, le débat dégénère, le show off prend toute la place et passe pour le vainqueur alors qu'il n'a rien dit ou qu'il n'a pas eu la politesse d'écouter l'autre. Des exemples: Léo-Paul Lauzon (que je trouve toutefois très intelligent), Claude Poirier (ou l'homme qui commence 5 phrases sans en finir une), Dan Bigras, Pierre Falardeau, le Doc Mailloux, etc.

Avoir du caractère, pour moi, signigie davantage être capable de se contrôler qu'être prompt. C'est une qualité qui n'appartient pas qu'aux grandes gueules.

Pour moi, Pierre Lavoie (le triathlète qui a perdu 2 enfants et qui tente d'amasser des fonds pour vaincre l'acidose lactique), Réjean Thomas et Françoise David ont du caractère, du vrai; pas de l'orgueil mal placé ou de l'insécurité refoulée.

En guise de conclusion à cette réflexion qui est encore une fois trop longue, le petit caniche qui jappe tout le temps, pour moi, n'a pas plus de caractère que le gros Golden qui reste couché devant les affronts du petit barbette!

dimanche, octobre 01, 2006

Tv on The Radio


La plus récent album de Tv On The Radio, Return to Cookie Mountain, prouve à quel point la formation de Brooklyn occupe une place de plus en plus prédominante dans le monde underground des groupes musicaux qui tentent d'innover et de sortir des sentiers battus.


En 2004, les récipiendiaires du Mercury Prize avait attiré l'attention grâce au magnifique Desperate Youth, Blood Thirsty Babes, un premier album déroutant qui annonçait la venue d'un groupe important sur la scène alternative américaine.


Comme plusieurs artistes qui se démarquent, il est difficile de décrire le son et l'approche des 5 musiciens de Brooklyn, mais une chose me semble évidente: dans TVOTR, il y a beaucoup de non-dit et de nuances. S'il est vrai que la musique s'apprécie davantage par les notes qui ne sont pas jouées que par celles qui le sont, TVOTR est maître dans l'art de déjouer l'auditeur. Derrières des sonorités "noise" à la Sonic Youth ou à la Nine Inch Nails (Trent Reznor est d'ailleurs fan du groupe, tout comme Peter Murphy de Bahaus) se dissimulent des arrangements vocaux proches du gospel, du soul et du funk, le tout arrosé d'une énergie punk qui n'enterre nullement les origines "black" de la formation qui ne compte qu'un blanc parmi ses rangs.


Je connais peu d'artistes capables de marier agressivité et douceur de façon aussi habile. Derrière des mélodies vocales douces et lentes se chamaillent des boucles de guitare et des sections rythmiques sauvages qui provoquent un espèce de sentiment de malaise et de pannique tout en étant captivantes à l'excès.


Pour ajouter du poids à leur musique, des pointures de renom telles que David Bowie, Chris Taylor (Grizzly Bear), Katrina Ford (Celebration) et Kazu Makino (Blonde Redhead) ont ajouté leur touche à l'univers subtil du groupe. En ressortent des chansons réussies telles que Wolf Like Me (un hit agressif et énergique), A Method (avec des percussions rappelant étrangement une locomotive en marche) et Dirty Whirl (pour les fans d'Animal Collective) pour n'en nommer que trois, car l'album est un tout cohérent très bien ficelé.


Je recommande donc cet album aux fans de Sonic Youth, de Blonde Redhead, de Peter Gabriel, de NIN, du vieux Life Of Agony, de David Bowie, de Prince et de Clinic.
À surveiller:
- Spectacle de TVOTR au National de Mtl le vendredi 13 octobre prochain;
- Prestation de TVOTR à David Letterman sur le site youtube.com.