dimanche, août 06, 2006

Notre Mononc' cochon...un mal nécessaire!

Samedi, 5 août 2006 (20h)

L'antithèse sautait aux yeux hier soir: une prestation de Mononc' Serge dans le sous-sol d'une église de Tadoussac. C'est à croire que Bob Dylan avait raison: Le monde et les temps changent...

L'univers du Mononc' de 36 ans est saturé d'antithèses. Si on le prend au premier degré, Mononc' Serge, alias Serge Robert, est une personne grossière, insensible, agressive et haineuse. On pourrait alors l'associer aisément à Jef Fillion. Mais il faut fouiller plus loin et creuser assez pour se rendre compte que Mononc' Serge est un personnage créé par Serge Robert. D'ailleurs, Serge Robert s'exprime généralement à la troisième personne en spectalce: "Mononc' Serge n'aime pas ...., il croit que....", etc. Fin analyste (Bacaisses), il se sert de la musique pour se défouler (Bed and breakfast) et pour faire passer un certain message (Gala de l'Adisq et Pense que Noël...).

Ceux et celles qui n'ont pas compris ça ne peuvent pas réellement saisir l'univers subtil de l'ancien bassiste des Colocs. Ils ont alors deux choix:

1. L'aimer sans le comprendre en le prenant au premier degré: croire qu'il est toujours gelé, qu'il passe ses journées entières à boire de la bière, qu'il est agressif, déplaisant, irrévérencieux de la tête au pied, révolté, irrespectueux de tout ordre établi, etc. On s'approche alors du "moron", tel qu'il le décrit dans sa chanson Je chante pour les morons.

2. Le détester pour tout ce qu'il représente.

Je ne tiens pas à convaincre qui que ce soit que ce qu'il fait est bon, car je peux très bien comprendre qu'on puisse ne pas aimer Mononc Serge, je crois même qu'il en fait beaucoup pour que ce soit le cas. Je pense simplement qu'il est important de comprendre le personnage et c'est pourquoi j'ai envie de vous partager ma propre interprétation de ce phénomène.

Partons du principe que Serge Robert est un excellent musicien qui roule sa bosse depuis longtemps: groupes amateurs au répertoire metal et hard-rock, bassiste des Colocs, membre des Blaireaux avec Yves Desrosiers, participation à d'autres groupes à caractère "chansons humoristiques" et le projet Mononc Serge - à géométrie variable - (en solo, en trio, avec Anonymus et en quatuor.). Homme à tout faire (basse, guitare, réalisation, textes, pochette, vidéo, etc.), Mononc Serge s'est peut-être rendu compte que, pour percer le marché et se démarquer de ce qui se faisait lorsqu'il a quitté les Colocs en 1995, il fallait oser. Fidèle à ses racines metal et influencé par ses études en philosophie et par Plume Latraverse, peut-être, Serge Robert a pris conscience de quelques trucs: il n'a pas une voix très crédible, il sait faire rire les gens, il ne sera jamais mieux servi que par lui-même, il est en mesure de mettre ses textes à l'avant et l'univers de la chanson québécoise n'a plus de chanteurs dérangeants.
La porte était donc ouverte pour qu'un personnage tel que Mononc Serge fasse son appartition. Depuis, il ne cesse de repousser les limites. Après s'être attaqué à la famille Cloutier, à Luc Plamondon, à la famille Dion, à Sébastien Benoît, aux politiciens, aux grosses Acadiennes, etc. et avoir repoussé les limites du bon goût avec des chansons telles que Simone, Fourrer, Pense que Noël..., Anne à la maison..., etc., on se demandait comment il pourrait s'y prendre pour aller plus loin et pour continuer à déranger. Réponse: il a osé s'en prendre à ses propres fans avec une chanson lucide intitulée Je chante pour les morons, un constat très réaliste qui ne manque toutefois par de faire tabac lorsqu'il la présente en spectacle. À travers tout ça, il a couché des textes politiques, anecdotiques (Les Avaleurs de Bites, Courir nu sur le plage, Hilary, etc.) et inoffensifs (Rien, les Patates, etc.)
Sa plume est incisive, quelque peu adolescente, révoltée et légèrement scatologique (Fini d'chier, Requiem pour la marde, etc.), mais il n'en demeure pas moins qu'elle est fichement bien tournée, que ses textes sont d'une profondeur sous estimée, que sa maîtrise du français est surprenante et que son sens de l'imagination est sans fin. Pour moi, le personnage de Mononc' Serge est un amalgamme de Plume Latraverse, pour l'intelligence du propos; d'Yves Lambert, pour sa bonhomie; et d'Elvis Gratton pour son côté cru et caricatural.

Après s'être associé à Anonymus avec l'Académie du Massacre et avoir connu le plus grand succès commercial de sa carrière en tant que Mononc', l'artiste originaire de Laval est revenu à lui-même. Sur son dernier opus, Serge Blanc d'Amérique, on peut ressentir l'influence agressive et pesante de son projet avec Anonymus (Hitler Robert, Bed and Breakfast, Je chante pour les morons), mais on retourne également dans le monde musical du Mononc' Serge qu'on connaît: un monde où se côtoient le trash, le rock et le folk.

Sur scène, quelques changements de personnel attirent mon attention: Serge a troqué sa basse contre une guitare sèche sans courroie, comme lors de ses shows en solo; c'est David Valentine qui, avec un afro à la Sideshow Bob, remplace Mononc à la basse; à la batterie, il est appuyé par Michel Dufour (aussi avec WD40), complice de longue date très efficace qui semble toujours sur le point de roter; et c'est à Peter-Paul que revient le défi de remplacer Olivier Langevin à la guitare. À ma grande surprise, la nouvelle famille de Mononc fait bon ménage, la musique est toujours aussi agressive, les "back vocaux" sont justes et la cohésion est évidente. Les seuls petits accrocs surviennent lorsque le débit de Mononc ne suit pas complètement la route, mais c'est assez rare et facile à pardonner, car il faut avoir la langue très rapide pour souffler une page de paroles en 30 secondes.

Hier soir, Mononc' Serge a donné un spectacle à la hauteur de sa réputation de bête de scène et à la hauteur de mes attentes: hyperactif, comique, énergique et extrêmement divertissant. Son concept de "Sarge Jazz Band" dans lequel il fait semblant qu'il joue autant de jazz que tous ceux qui ont participé au Festival de Jazz de Montréal, supporte toute l'absurdité de son discours. Comme toujours, il a déployé toute l'énergie nécessaire pour que personne ne s'emmerde: costume, acrobaties sur un tabouret, calage de bière, bière sur la tête, participation au slam, signes de "devil", etc. Derrière cette bête de scène se cache pourtant un homme d'affaire de 36 ans qui semble fondamentalement gentil, calme et lucide (les sandales en font foi...).

Une question m'a traversé l'esprit hier: que fera Mononc Serge lorsqu'il aura 55 ans? Continuera-t-il dans la même veine ou s'adoucira-t-il?
La réponse figure peut-être sur son dernier disque: RIEN.

Anecdotes:

- Sur le côté de la scène, j'ai été subjugué de voir une jeune fille de 9 ou 10 ans qui connaissait et chantait toutes les chansons de Mononc en levant son bras vers le ciel comme une vraie démone... "Fourrer, c'est une fatalité, c'est ma finalité, c'est ma raison d'être...". Je n'étais pas capable de détourner mes yeux de cette petite fille. Je ressentais un mélange d'inconfort, de curiosité et de pitié. Le plus drôle, c'était de voir sa mère essayer de comprendre ce qui se passait sous ses yeux.

- Au début de la soirée, j'ai rapidement compris que j'allais être un des plus vieux du public présent au show de Mononc Serge. En allant me chercher une bonne Cheval Blanc dans un verre de plastique, j'ai croisé un de mes valeureux élèves de cinquième secondaire. Après des salutations polies, je suis retourné à mon siège en lui disant "Bon spectacle". Quelques minutes plus tard, il était en train de danser et de chanter sur la scène au grand étonnement de Mononc' Serge et des organisateurs. Faut que jeunesse se fasse, me suis-je alors dis.

- Étant donné que Serge Blanc d'Amérique vient à peine de voir le jour, je ne m'attendais pas à ce que Mononc' nous présente des nouvelles compositions. Il nous en a pourtant présenté deux: une qui parle du fait que personne ne l'a encore traîné en cour (Tout l'monde se crisse de Mononc' Serge) et une qui parle des préjugés entretenus à l'endroit des fans de heavy metal: "Aujourd'hui, dans l'parc d'la Véranderie, je risque ma vie pour le metal". Lorsqu'il a présenté cette nouvelles chanson, il a aussitôt eu l'appui de la faune de cheveux longs et de t-shirts noirs qui s'était entassée près de la scène. Il en a alors profité pour leur dire: "Avez-vous remarqué que, à l'Assemblée nationale du Québec, il n'y a aucun métalleux? Pire à la place de l'insipide Mikaelle Jean, pourquoi ne mettrions-nous pas Snake de VoiVod ou Lord Worm de Cryptopsy?
Serge Robert est un vrai fan de metal...

Chansons jouées lors du show:
- Patates
- Fred (la voix de Fred est assuré par Peter-Paul)
- Lac St-Jean
- Frustré
- Pense que Noël est un jour comme les autres
- Hitler Robert
- Bed and Breakfast
- Maman Dion
- Marijuana
- Fourrer
- West Edmonton Mall
- Fini d'chier
- Simone
- Tout l'monde se crisse de Mononc' Serge (nouvelle)
- Saskatchewan
- Dans l'parc d'la Véranderie (nouvelle)
- Je chante pour les morons
- Destruction
- Rien
____________
- Requiem pour lamarde
- Âge de bière
- Ogonquit
- Anne à la maison au pignon vert