samedi, août 26, 2006

Marc Ribot et Jon Spencer

Pendant que Joey Tardif, le blond qui jouait dans Épopée Rock, se produit dans tous les petits festivals familiaux et sur toutes les petites scènes de Charlevoix, les Abitibiens et les Montréalais pourront bientôt assister à des prestations de Marc Ribot et de Heavy Trash. Puis-je, l'instant de deux ou trois jours, troquer les belles montages de la Malbaie, les rues artisanales de Baie-St-Paul, les rivages de St-Irenée ou la tranquillité des Éboulements pour voir ses deux spectacles sans être obligé de faire 5 à 10 heures d'automobile?

Étant dans l'impossibilité de me déplacer pour ces deux excellents spectacles, j'aimerais que ceux et celles qui auront la chance de le faire me donnent des nouvelles.

Marc Ribot:

J'ai l'impression que Marc Ribot est un musicien extrêmement sousestimé. C'est un guitariste inventif qui est capable d'allier l'aspect technique à celui du feeling et je crois que c'est ce qui le différencie de certains virtuoses qui pratiquent un style de masturbation musicale qui me laisse aussi froid qu'une glace égarée dans un congélateur du Nord de la Russie.

Je pense en tout cas que, si jai un style, cest uniquement à cause de mes limites techniques.On peut me reconnaître grâce à mes erreurs. - Ribot

Que ce soit aux côtés de Tom Waits, avec qui il joue depuis très longtemps, de John Zorn, de T-Bone Burnett, d'Elvis Costello ou d'Alain Bashung, Marc Ribot est le roi de la subtilité, des riffs décalés et de l'efficacité. Avec ses touches blues, jazz, expérimentales ou tout simplement rock, il est capable de donner une couleur, une profondeur et une signature musicales comme peu de musiciens sont capables de faire. Pour ceux qui veulent le découvrir, essayez de mettre la main sur les albums suivants et vous aurez une bonne idée de l'univers de ce guitariste qui joue toujours assis:

- Marc Ribot Y Los Cubano Postizos (album solo axé sur la musique cubaine)
- Rain Dogs ou Real Gone de Tom Waits
- The Criminal Under My Own Hat de T-Bone Burnett
- L'imprudence de Alain Bashung (la subtilité à son meilleur)
- Des albums de Lounge Lizards ou des participation de Ribot sur la compagnie Tzadik de John Zorn

Jon Spencer:

J'ai découvert Heavy Trash cette année, et ce fut un de mes coups de coeur de l'année 2006, et ce, même si l'album a vu le jour en 2004 ou en 2005. Je connaissais déjà Jon Spencer, Boss Hog et Blues Explosion, mais j'ignorais l'existence de cette excellente formation. Cet été, après un show de Galaxie 500, Olivier Langevin s'est improvisé DJ pour le reste de la soirée et a mis du Heavy Trash. Je suis immédiatement tombé sous le charme. Pour ceux qui aiment Jon Spencer, RL Burnside, Galaxie 500 et tout ce qui se rapproche du rockabily, du vieux blues et du country sale, Heavy Trash est un incontournable. Une ambiance de saloons, de bars de danseuses, de courses de vieilles minounes, de bière tablette, de chemins de gravel, de bottes de cowboy et de bancs de cuir...

Avec Jon Spencer et Marc Ribot dans les environs, Hydro Québec risque de connaître des problèmes...

mardi, août 22, 2006

Jason Newsted fait-il la pute?

Je sais, c'est à la mode de chialer contre Star Académie, la télé réalité et les fournisseurs de vedettes préfabriquées.Je serai donc à la mode en chialant contre la participation de Jason Newsted à l'émission Rockstar Supernova.
http://www.youtube.com/watchv=du6bAtv0yBk&mode=related&search=

Lorsque l'ancien bassiste de Metallica a décidé de se joindre à VoiVod, j'étais comblé et très heureux pour Snake, Piggy et Away, car je savais que la venue de Jason en leurs rangs allait mousser leur visibilité et leur ouvrir des portes.

À cette époque, je trouvais que Jason avait le profil de l'emploi: réservé, passionné, à sa place et efficace derrière son instrument. Sa personnalité et l'image qu'il projettait allaient de pair avec celle de Voivod: un groupe intègre qui n'a jamais fait de compromis et qui a toujours su miser d'abord et avant tout sur sa musique.

Alors voilà que notre bon vieux Jason a décidé de faire partie de ce qui me semble être une des pires émissions musicales jamais présentées: Rockstar Supernova.

Oui, j'aime le rock, oui j'aime les chansons agressives, oui il faut faire de la place aux compositions et au répertoire un peu plus "heavy", mais tout ce que Rockstar Supernova a à offir, c'est de la poudre aux yeux (et peut-être de la poudre au nez pour les musiciens participants, mais là je m'écarte un peu).

Pour plaire aux quelques personnes qui aiment scander haut et fort qu'ils feraient tout pour le rock, il faudrait passer sous silence la piètre qualité du rock qu'on essaie de nous faire avaler sous prétexte que, au moins, c'est rock, justement. Ben tant qu'à ça, je préfère de loin le classique ou le jazz d'ascenseur. Je crois que j'aimerais mieux voir un gros nerd à lunette jouer une chanson de Nana Mouskouri au violon que de voir des flasheux faire semblant qu'ils ont compris quelque chose à la musique...


C'est beau vouloir du rock, mais quand ça ressemble à du Creed, du Days of the News ou du Three Doors Down, moi, je vais passer mon tour. Enlevez l'attitude "coup d'pied de rockeur", les cheveux longs, les tatoos et la distorsion et c'est la même merde que Star Académie et American/Canadian Idols.


La question est simple: que fait-il là? A-t-il besoin d'argent? Si oui, tous les musiciens de ce monde en ont sûrement besoin. Aïe, on parle d'un ex-Metallica. On s'entend pour dire que de l'argent, il ne doit pas en manquer... Le fait-il pour l'image? Croit-il impressionner quelqu'un d'autre que sa nièce de 6 ans?

À l'heure actuelle, je crois que Jason Newsted est en train de perdre la crédibilité qu'il avait et, par le fait même, nuire à l'image de VoiVod. C'est pourquoi je ne pleurerais absolument pas s'il quittait la formation. Des bassistes intègres intéressés à se joindre à ce groupe culte ne tarderaient pas à démontrer leur intérêt. Je préférerais encore plus voir Vincent Peake le remplacer que de le voir revenir faire son frais au sein de NOTRE groupe métal préféré...

Montée de lait terminée.

vendredi, août 18, 2006

Les goûts, ça se discute

Les goûts, ça se discute…

En se levant ce matin, Éric opte pour une camisole Vuarnet mauve, pour des culottes de jogging BMX grises et pour des bottes de cowboy brunes légèrement délavées. Après avoir pris son petit déjeuner en visionnant des vieilles émissions d’Épopée Rock, il fait une escale à la salle de bain pour ajouter un peu de fixatif au toupet reluisant qui surplombe sa généreuse coupe Longueil chataine. Avant de claquer la porte de la maison familiale derrière lui, Éric choisit la cassette qu’il écoutera en se rendant au centre d’achat : une compilation sur laquelle figurent des chansons de Roxette, des B.B., de Paradoxe et de Glass Tiger. En chemin, Éric prend quelques secondes pour admirer son reflet devant une vitrine. Il se regarde avec intérêt, prend la pause en se gonlant le torse et, avant de poursuivre sa route, se replace le pinch tout en se pointant du doigt avec fierté. « J’ai du goût », pense-t-il intérieurement avant de sortir une cigarette qu’il avait préalablement placée sur son oreille gauche.

Éric pense avoir du goût. Pierre Lapointe, Jorane, Francine Grimaldi, Caroline Néron, Woody Allen, James Hetfield, Madonna, Tom Waits, Luc Picard et la mairesse Boucher doivent en penser tout autant d’eux-mêmes. Qui a raison? Qui a tort?

On entend souvent les gens dire : de toutes façons, les goûts, ça ne se discute pas. Je ne suis pas de cet avis. Au contraire, un fait, ça, ça ne se discute pas. Me chemise est noire, le compteur de ma voiture affiche 228 567 km, je suis un homme, ma table est en bois. Les goûts, par contre, me semble que ça devrait justement être un objet de discussion intéressant, et ce, même si j’avoue qu’il s’avère parfois difficile de s’entendre à ce sujet lorsque nos goûts sont diamétralement opposés à ceux de la personne avec qui on discute.

Selon le Petit Robert, voici les définitions du mot « discuter » :

- Examiner (qqch.) par un débat, en étudiant le pour et le contre.
- Parler avec d'autres en échangeant des idées, des arguments sur un même sujet.

Je crois qu’il est possible de débattre de nos goûts, d’échanger des idées et d’exposer les arguments qui soutiennent qu’on aime ou pas certains disques, certains films ou certaines oeuvres. Lorsqu’on parle d’un fait, c’est plus difficile et beaucoup moins intéressant. Mais encore faut-il être en mesure de parler du même sujet, et c’est souvent là que la distance s’impose.

Le Petit Robert définit le « goût » comme ceci :

- Aptitude à sentir, à discerner les beautés et les défauts d'une œuvre d'art, d'une production de l'esprit.

Dans le sens de « avoir du goût ». Partant de cette définition, on pourrait avoir tendance à croire que certains en ont plus que d’autres, que c’est une question de culture, d’éducation et peut-être même de pratique. Est-ce réellement le cas?
- Tendances, préférences qui se manifestent dans le genre de vie, les habitudes de chacun.

Ici, on semble davantage faire allusion aux goûts dans le sens « préférences » du terme.

Revenons à Éric. A-t-il raison? A-t-il du goût? Ses préférences sont-elles de bon goût?

Il vous est sûrement déjà arrivé à vous aussi de rencontrer de ces personnes qui semblent être complètement dans leur monde, déphasées, voire même passées date. On se demande alors ce qui se passe dans leur tête. Ne voient-ils pas qu’ils ne sont pas dans le coup? Porter un t-shirt de Ace of Base avec sérieux et fierté semble presque être un symptôme précurseur à l’alzheimer, la sénélité ou la cessité… Avons-nous alors affaire à des gens véritablement anticonformistes et rebelles ou tout simplement à des personnes qui ne font pas les bons choix parce qu’ils n’ont pas les bons goûts?

Ma mère aime bien Star Académie, elle trouve ça divertissant, et elle apprécie certains vieux chanteurs, dont Serge Regianni, Jacques Brel et Claude Gauthier. Mon père, qui boude la télévision au profit de la radio d’état, s’est longtemps fait taquiner parce qu’il aimait Richard Desjardins. Mon frère adore Elliott Smith, Eels et Belle and Sebastian. Un de mes amis déteste les hot-dogs, un autre ne passe pas une année sans écouter un film de la série « Les Boys » et un autre trouve que Dumas est un des pires artistes du Québec. Mes coéquipiers de baseball préfèrent tous la Budweiser à n’importe quelle bière de microbrasserie. À travers tout ça, moi, je voue un culte à Tom Waits, à Fred Fortin et aux Frères Cohen, mais je déteste Star Wars, les soupers meutres et mystères, les derniers albums de Pink Floyd, le jeu Dongeons Dragons et tout ce qui a un lien avec l’époque médiévale ou la science fiction. En revanche, je mange de tout et je salive à la vue d’une St-Ambroise noire. Qui parmi toutes ces personnes peut être en mesure de porter un jugement sur l’autre en ce qui a trait aux goûts?

Essayer d’être ouvert est déjà un bon début, mais c’est parfois insuffisant pour bien comprendre les goûts de l’autre. Un exemple :

Si quelqu’un essaie de me convaincre que Luc Plamondon a une plume très profonde, que les chansons de Garou sont originales ou que Jean-Nicolas Verreault est à sa place comme animateur de l’émission des Kiwis et des Hommes, j’aurai probablement beaucoup de difficultés à me laisser séduire. En revanche, si cette personne met la main sur un de mes albums de Fantomas, elle risque de me dire que ce n’est pas écoutable, que je n’ai pas de leçon à lui donner, que mes goûts sont douteux. Cette question m’obsède depuis longtemps.

J’ai tendance à croire que la culture et la curiosité ouvrent des portes à l’expérimentation qui elle, à son tour, peut déboucher sur une plus grande compréhension des choix qui s’offrent à nous. Je m’explique. Essayons de faire un lien entre la musique et la bouffe. Nous sommes d’accords pour dire qu’il existe des personnes qui préfèreraient manger un quart de livre avec fromage chez McDo qu’un repas de leur choix dans un restaurant 5 étoiles, et ce, même s’ils n’avaient pas à payer la note ou à faire quelconque compromis que ce soit. Ils aiment ça du McDo et, selon eux, il n’y a rien de meilleur. Ont-ils essayé d’autres choses? Peut-être pas; ou pas souvent. Pourquoi faire? Du McDo, c’est tellement bon! En musique, c’est un peu le même combat. Certains se gavent de musique qui passe à la radio et ne s’en plaidront jamais. C’est bon du Marie-Hélène Thibert, du Mario Pelchat et du Simple Plan. C’est bon parce que c’est assez facile à aimer : ça joue souvent, ce n’est pas dérangeant, c’est accessible, bref; j’aime ça, c’est presque physique. Mais juste à côté, il y a celui qui refuse toute musique commerciale ou populaire. Pierre Lapointe devient automatiquement inintéressant parce qu’il passe à la radio, Outkast ne peut rien faire de bon parce qu’il passe à Mtv, etc. Par contre, un bruitiste souffrant d’autisme qui souffle dans une trompette avec son nez pendant que son chat miaule à côté de lui, ça c’est bon. C’est bon parce que je suis le seul à aimer ça.

J’ai déjà entendu Daniel Pinard dire, pour se défendre d’acheter des huiles végétales à 50$, que nous étions tous le snob de quelqu’un d’autre. J’aime cette réflexion. Mais j’ai tout de même tendance à croire qu’une personne qui connait bien l’art, qui a étudié dans ce domaine ou qui a visité plusieurs musées serait en meilleure position pour juger d’une toile qu’un père de famille de 34 ans qui croit que son fils de 7 ans est un génie parce qu’il a dessiné un ours polaire à l’école. Mais si le pro des arts trouve également que le dessin du petit est bon, que peut-on conclure? Que les deux sont bons juges? Pas nécessairement. Peut-être que le pro est en mesure de juger ce qui est universellement joli et ce qui demande plus d’efforts, de compréhension ou de connaissances. Le père du jeune artiste n’apprécierait peut-être pas les œuvres abstraites de Picasso ou d’Armand Vaillancourt. C’est peut-être d’ailleurs la raison qui explique qu’on se fie parfois à des critiques pour éclairer nos choix.

Alors, qu’est-ce qu’un bon « critique »? Outre l’objectivité, c’est peut-être justement cette capacité à être ouvert à ce qui est accessible tout en étant en mesure d’accéder à ce qui l’est moins. L’animateur de Radio Énergie qui s’adresse à son public est en mesure de le rejoindre, car il le comprend. Même chose pour le chroniqueur de la radio de Radio-Canada et sa clientèle. Interchangez-les et plusieurs seront mêlés.

Le Éric de mon exemple existe vraiment, il venait souvent flâner chez HMV lorsque j’y travaillais. Il roulait les manches de son t-shirt pour montrer la forme de ses biceps et, café à la main, il faisait semblant d’écouter des albums sur nos postes d’écoute. Qu’aurais-je pensé si Éric s’était pointé à la caisse avec un album de Tom Waits, de Miles Davis, de Serge Gainsbourg ou de Kyuss? J’aurais probablement dû me confesser au sujet de mes préjugés ou de mon snobisme superficiel.

Finalement, je crois qu’on se définit un peu par les goûts qu’on a, mais je crois surtout qu’on apprend beaucoup en échangeant à propos de nos préférences. Nos goûts évoluent-ils? Pour quelles raisons? Pourquoi ais-je un peu honte d’avoir déjà aimé Def Leppard? Sans Def Leppard, je ne serais peut-être pas aussi passionné par la musique que je le suis aujourd’hui. Respecter les goûts des autres sans imposer les nôtres en ayant à l’esprit qu’il faut demeurer ouvert et favoriser le partage serait peut-être la meilleure attitude à adopter, mais Éric est-il préoccupé par cette question autant que moi? Je l’ignore.

lundi, août 14, 2006

Entrevue avec Mononc' Serge

Après avoir lu l'article que j'avais récemment écrit à son sujet, Mononc' Serge m'a accordé une entrevue écrite à laquelle il a répondu avec générosité et rapidité. Malheureusement, comme c'est le cas pour la plupart des entrevues que nous lisons dans les journaux et revues, je ne peux pas faire semblant que c'est dans un café underground de Montréal que j'ai rencontré Serge Robert... Mais ça faisait longtemps que je voulais lui poser ces questions. Alors voilà!

Kolonel:
Tu sembles être un vrai fan de métal. À quelques reprises, je t'ai entendu parler de VoiVod, problement LE groupe de métal québécois (pour présenter ta nouvelle toune et dans la chanson sur Sébastien Benoît). Avec les changements de personnel qui s'effectuent présentement au sein de la formation suite au décès de Piggy et de la nouvelle carrière TV de Jason Newsted, qu'aurais-tu pensé d'occuper le poste de bassiste au sein de ce band légendaire? On sait que c'est à Vince Peake que semble revenir le poste, mais toi, aurais-tu aimé vivre l'expérience? Crois-tu que tu aurais été en mesure de le faire?

Mononc':
Je n’ai pas l’intention de mener d’autres projets que ma carrière solo qui est déjà très prenante. Et de toute façon, je ne serais pas un bassiste adéquat pour Voïvod. Je serais tout juste bon pour jouer dans Hommage à Dobacaracol, et encore.

Kolonel:
En enseignement, on entend souvent les profs dire: "Moi, je vieillis, mais mes élèves ont toujours le même âge." C'est un peu la même chose concernant ta relation avec tes fans. Est-ce que l'écart d'âge commence à se faire sentir?

Mononc':
À mes débuts, les gens qui s'intéressaient à ma musique étaient les jeunes adultes, disons les étudiants. C’est encore le cas aujourd’hui, mais mon projet avec Anonymus m’a valu d’être populaire également auprès des ados du secondaire. Au risque de passer pour un vieux pervers, je ne vois pas ça comme un problème.

Kolonel:
Toujours en lien avec ton public, trouves-tu difficile de voir que certains jeunes ne comprennent pas le deuxième degré de tes chansons? Crois-tu être pris dans un cercle viscieux qui fait en sorte que tu devras toujours "déranger" de la sorte?

Mononc':
C'est clair qu'il y a une partie du public qui ne vient que pour le côté salace, vulgaire, provocateur de mes chansons. Mais je suis convaincu que la majorité est sensible au contenu, à la qualité de l'écriture, au véritable travail qu'il y a derrière tout ça, et ce même si l'ambiance lors des shows est plus propice au slam qu'à l'écoute. Peut-être vais-je un jour monter un projet sous un autre nom pour jouer des choses plus fines. C'est difficile de faire passer du matériel comme Rien ou Bacaisse à travers des bulldozers comme Noël est un jour comme les autres ou Destruction. Ceci dit, j'aime faire mes shows tonitruants, et je pense que je le fais bien. Je ne sais pas si j'excellerais de la même façon dans un registre mois trash.

Kolonel:
Tu as maintenant 36 ans. J'imagine que ça prend énormément d'énergie pour gérer tous les détails de ta carrière et pour faire des spectacles aussi intenses. Lorsque tu songes à l'avenir, est-ce que tu t'imagines encore longtemps faire carrière avec Mononc' Serge? Feras-tu comme Jean Leloup: tuer ton personnage pour revenir à toi-même (en prenant pour acquis qu'il y a une différence entre les deux)? Que fera Serge Robert dans 20 ans?

Mononc':
Je ne sais pas ce que je ferai dans 2 ans, alors dans 20 ans… Au fait, on s’en crisse un peu, mais j'ai 35 et non 36.

Kolonel:
Est-ce que le style et le propos de la chanson Rien, qui figure sur ton dernier opus, serait une avenue possible pour ton avenir en musique?

Mononc:
J’aimerais produire un CD plus sérieux, mais rien n’est encore fait. C’est une des avenues que j’envisage pour le prochain disque.

Kolonel:
D'où proviennent David Velentine et Peter Paul, tes deux nouveaux musiciens? Comment les as-tu choisis? Pour quelles raisons? Est-ce que, à eux deux, ils coûtaient moins cher qu'Olivier Langevin?

Mononc':
Peter Paul remplaçait à l’occasion Olivier Langevin au sein de mon trio. Je l’ai engagé sur une base régulière depuis que j’ai remonté un groupe l’an passé. Peter Paul a son propre groupe, Peter Paul et son groupe de rock (http://peterpaulrock.com). C’est David Valentine qui y joue de la basse. J’ai rencontré David grâce à Peter Paul. Ils viennent tous les deux de St-Félicien. À eux deux, ils me coûtent plus cher qu’Olivier Langevin, mais probablement moins que Michel Cusson.

Kolonel:
Lors de ton spectacle à Tadoussac, tu faisais semblant, j'imagine, que tu allais bientôt arrêter la musique pour faire carrière dans l'industrie du cinéma. Est-ce que c'est un scénario envisageable (à noter que le mot scénario n'a pas été choisi pour faire un jeu de mot minable)? Si oui, que voudrais-tu faire?

Mononc':
Pas de carrière au cinéma.

Kolonel:
Je ne veux pas qu'on entre dans ta vie privée, mais je me suis toujours demandé comment tu te sentais lorsque tu rencontrais des nouvelles personnes qui ne connaissaient pas ton univers musical (surtout langagier). Je te donne un exemple:
Tu as une nouvelle copine. Elle connaît ce que tu fais et elle aime bien ça, sauf qu'elle sait très bien que sa vieille mère ferait une crise cardiaque si elle entendait la chanson Fourrer, par exemple. À Noël, tufais connaissance avec elle et avec le reste de la famille. Autour d'un bon pain sandwich typiquement saguenayéen, la question qui tue fait surface: "Toi, Serge, ma fille m'a dit que tu faisais de la musique. Il paraît que t'as un orchestre. J'aimerais bien entendre un de tes microsillons, car moi aussi je chante, dans une chorale". Que fais-tu? Est-ce que tu sors un disque que tu lui fait écouter sur le champ? Est-ce que tu essaies de lui vendre un t-shirt? As-tu une compilation de tes chansons les moins dérangeantes que tu donnes à ce moment-là?

Mononc':
Les gens sont polis. S’ils trouvent ce que je fais déplacé, ils ne m’en font pas part. Faut dire que je connais un certain succès, j’imagine que ça aide à faire accepter mes excès langagiers. De toute façon, je pense que ces excès langagiers ne dérangent pas grand monde (c’est d’ailleurs le thème de ma chanson Tout le monde se crisse de Mononc’ Serge, qui n’est pas encore endisquée).

Kolonel:
Dans un tout autre odre d'idée, pour connaître un peu tes goûts musicaux, quels artistes ou groupes inviterais-tu (morts ou vivants) si tu pouvais en réunir 5 lors d'un festival?

Mononc':
J’aimerais avoir, de préférence morts que vivants : Jacques Villeneuve, Mario Pelchat et Boom Desjardins. Et un peu de granole-festif avec ça, disons la Tchango Family et Tryo.

Kolonel:
Est-ce trop indiscret de te demander combien de disques (tout album confondu) tu as vendus jusqu'à présent?

Mononc':
Environ 45 000.

Kolonel:
De toutes les chansons que tu as écrites, est-ce qu'il y en a une que tu regrettes? Parallèlement, est-ce que tu t'es déjà auto-censuré? Si oui, c'était à quel sujet?

Mononc:
Sans carrément la regretter, j’ai des réserves au sujet de ma chanson « Les grosses torches acadiennes ». Je la trouve réussie, mais je trouve cruel de se moquer des grosses. Être toutoune doit être déjà difficile sans qu’on en rajoute. Ceci dit, l’obésité et la méchanceté vis-à-vis l’obésité sont des thèmes que j’ai souvent abordés dans des morceaux qui ne sont jamais sortis sur CD (sans parler de ceux qui ont été publiés). Par exemple, j’ai écrit en 98 une chanson qui s’appelait « Lipide pub » dans laquelle je me moquais des obèses qui font des annonces de resto ou de bouffe. Je l’ai chantée quelques fois en show, dont une fois dans un petit bar à Granby. Après le show, j’avais dû me taper une discussion avec une grosse en pleurs qui me disait que c’était bien de rire des gros, fallait balayer les tabous, etc. Elle était entrée dans la salle pendant la chanson, la porte d’entrée était à côté de la scène, faut croire que ça l’a secouée. Ce n’est pas ma seule toune inédite qui parle des gros. Ça m’obsède. Quand j’étais enfant, j’étais un peu gras, et j’avais des amis franchement obèse, j’imagine que c’est pourquoi je suis fasciné par cette question.

Fin de l'entrevue.
Merci Mononc'!

PEEPING TOM (10 août 2006)

Passons aux aveux: je suis un fan fini de Mike Patton, et ce, depuis que, à 15 ans, j'ai acheté mon tout premier disque compact: The Real Thing de Faith No More. Outre quelques albums que je juge un peu trop expérimentaux (Maldoror et albums solos), j'aime presque tous les projets que Mike Patton a initiés ou auxquels il a participé: de Faith No More à Mr Bungle en passant par Tomahawck, Lovage, General Patton and The Executionners et, récemment Peeping Tom, son projet le plus pop et le plus accessible depuis Lovage.

Ce projet, il le prépare depuis très longtemps. D'ailleurs, dans la merveilleuse pochette du disque, il s'exprime ainsi:


I would like to send extra special goodness to all the musicians, producers and firends who helped bring this music to life. Making this record was an exercise in constipation and you were my ex-lax...


Mike Patton avait donc besoin d'extérioriser son côté sucré. Pour ceux et celles qui suivent la boulimique carrière de ce workaholic depuis longtemps, l'amour qu'il éprouve pour la musique pop n'a jamais été cachée: reprises de Lionel Ritchie et des Bee Gees au sein de Faith No More; participation à divers hommages: Serge Gainsbourg, Marc Bolan et Burt Baccharach; projets avec The Sparks, Dan the Automator, Bjork, etc. Même s'il s'amuse aussi à jongler avec des univers plus heavy (Fantomas, Dillinger Escape Plan et Tomahawck), il ne se limite pas à un seul style, et ceux qui le connaissent le savent: rap, crooner, funky, electronica, rock, jazz, trip-hop, death; rien ne semble être hors de portée pour ce chanteur caméléon.


L'album:


Oui, il s'agit d'un album "populaire", mais on parle ici d'une pop de qualité qui marie habilement des structures trip-hop ou hip-hop à des segments rock et crooner. Les invités proviennet eux-mêmes d'univers pop, électro ou rap: Rhazel, Amon Tobin, Kid Koala, Norah Jones, Bebel Gilberto, Dan the Automator, Massive Attack, etc. Ne vous attendez toutefois pas à entendre des chansons de Peeping Tom dans les décomptes du réseau Énergie, car les pièces ne sont pas nécessairement faciles d'approche, et c'est ce qui fait le génie de Mike Patton: nous transporter dans une direction, nous bercer doucement et, au moment où on croit que tout est fixe, nous balancer une montée vocale que lui seul est capable de faire avec un aussi large éventail de styles. À cet égard, certaines chansons de Peeping Tom ne sont pas si loin de ce qu'il faisait à l'époque de Faith No More (Stripsearch, Evidence, etc.), de Mr Bungle (Sweet Charity, Pink Cigaret, Vanity Fair, etc.) de Tomahawck (Capt Midnight, Harelip) et de Lovage. Il suffit de quelques écoutes pour tomber sous le charme de quelques chansons, mais l'entité de l'album ne s'apprécie qu'après quelques écoutes.


Le spectacle:


Le Théâtre National n'était pas rempli à pleine capacité pour la venue de Peeping Tom et ses invités: Dub Trio et Dj Relm. Mike Patton voulait peut-être venir à Montréal en tête d'affiche et non avec The Gnarls Barkley, la formation avec qui Peeping Tom partage normalement la scène. Il avait fait la même chose avec Fantomas lorsqu'il s'était produit au Métropolis au lieu d'assurer la première partie de Tool comme il le faisait pour le reste de la tournée.


Aux alentours de 21h, la formation Dub Trio est montée sur les planches pendant environ 40 minutes. D'entrée de jeu, nous avons tout de suite pu réaliser à quel point les musiciens maîtrisaient bien leurs instruments. Si la foule n'était pas complètement attentive, elle a tout de même semblé réceptive à la musique dub quelque peu progressive de ce trio formé de deux Canadiens. Personnellement, je ne suis pas un très grand amateur de dub. Je préféraient le côté trio au côté dub de Dub Trio... J'appréciaient surtout les moments pendant lesquels ils ajoutaient des touches progressives et metal à leurs compositions, ça me faisait alors penser à certains passages de Dillinger Escape Plan et Estradasphere. On peut dire qu'ils ont donné une performance très professionnelle sans réussir toutefois à faire lever complètement la foule.


Vers 22h, nous étions tous prêts à recevoir la troupe de Peeping Tom, mais il aura fallu pateienter encore un peu, car une deuxième première partie était chargée de préparer le terrain. Encore une fois, tout comme Dub Trio, il s'agissait d'un musicien qui fait partie de la formation de Peeping Tom: le DJ Mike Relm. Ce jeune "turntablist" a réussi à réchauffer la foule à l'aide de rytmes, de scratches et de mixtes pendant lesquels s'entremêlaient des pièces des White Stripes, de Rage Against The Machine, de Michael Jackson, de Gwen Stefeni, etc. Mike Relm a donc réussi à faire monter la température de quelques degrés avant de faire place à Peeping Tom.


L'attente fut interminable entre la prestation du DJ et l'arrivée du groupe principal. C'est aux alentours de 23h que Mike Patton et ses acolytes ont pris d'assaut les planches du National sous les applaudissements nourris de la foule qui s'était aglutinée sur le bord de la scène. Ils ont amorcé leur prestation avec une excellente reprise de Marvin Gaye (Desesperate Situation). Immédiatement après, ce fut le tour de Mojo, leur premier extrait. À partir de ce moment, et jusqu'à la fin du spectacle, la foule semblait conquise.


Peeping Tom est, bien entendu, mené de main de maître par Mike Patton. Ce dernier n'a rien perdu de sa voix et son registre vocal est toujours aussi étendu. Contrairement à Fantomas, Mr Bungle et Tomahawck, ce projet lui permet de se concentrer complètement sur chant, un peu comme lorsqu'il évoluait au sein de FNM. Il a donc l'espace et le temps nécessaire pour gesticuler, sauter et assurer un contact de tout instant avec son public.


À sa droite, la séduisante et efficace Imani Copolla unit sa voix à celle de Mike Patton en plus de jouer du violon à quelques occasions. Elle possède une des plus belles voix féminines que j'ai eu la chance d'entendre. Je ne serais d'ailleurs pas surpris qu'on finisse par la voir faire carrière solo, car elle a le talent et le look pour réussi (décolleté à l'appui). Sa voix se mariait à merveille à celle de Mike Patton; autant sinon plus que celle de Jennyfer Charles, la chanteuse de Lovage et de Elysian Fields. De plus, elle ne semblait pas éprouver de difficultés à suivre son acolyle lorsque celui-ci se payait des envolées vocales très saccadées (Five Seconds).


Mike Patton pouvait également compter sur la présence vocale et rythmique de Rhazel, le beatbox humain. Imposant et à la fois très calme, cet ancien membre du légendaire groupe The Roots, a également réussi à attirer l'attention de plusieurs personnes; surtout lorsqu'il nous a envoyé un solo du tonnerre. C'était difficile de croire que tous ces sons provenaient d'un seul homme. Par moment, il s'avérait difficile de savoir si ce que nous entendions provenait de Rhazel, du DJ ou du batteur.


Derrière ce trio vocal très efficace se démenaient les membres de Dub Trio, qui agissaient un peu comme le House Band du groupe, ainsi que Mike Relm, le DJ. En avant de la scène, un homme masqué d'une cagoule pianottait sur ses claviers/orgues de façon très subtile.


En tout, ils étaient donc 8 musiciens sur la scène. Il s'avérait donc difficile de tout voir, mais c'était très bien ainsi, car la cohésion était excellente, tout comme le son d'ailleurs. En un peu plus de 75 minutes, Peeping Tom nous a présenté toutes les chansons de son premier album. Nous avons eu droit à un Mike Patton en forme, toujours aussi sûr de lui, toujours un peu arrogant et pince sans rire et toujours aussi agréable à entendre et à regarder. Nous avons même eu droit à un rappel pendant lequel ils nous ont interprété Anger Management de Lovage, un vrai délice, une chanson qui fait frisonner et qui nous laisse sur une bonne note.


Seule petite déception: étant donné que Kid Koala et Amon Tobin, qui ont tout deux participé à l'album, résident régulièrement à Montréal, nous espérions qu'ils allaient se joindre à l'équipe de Patton, mais ce ne fut pas le cas.


Malgré tout, ce fut un excellent spectacle et Peeping Tom nous a prouvé qu'il était possible de faire une musique pop de qualité.

lundi, août 07, 2006

Galaxie 500: carambolage contrôlé...

Cet article a paru dans le Voir dans la section "commentaires des membres". Je l'ai modifié pour parler de l'aspect "live" du band.

Ce disque, nous l'attendions depuis que Galaxie 500 avait mis fin à la tournée qui avait accompagné son premier album. Entre temps, nous avions pu nous régaler les tympans grâce aux shows de la tournée "Planter le décor" de Fred Fortin. C'était toutefois le temps que la bagnole de Langevin revienne graffigner nos oreilles.

J'ai immédiatement été séduit par la pièce qui ouvre l'album (Loop). Consciemment ou non, j'ai l'impression que les gars ont trouvé une bonne façon de charmer rapidement leurs auditeurs en débutant leurs albums à l'aide de chansons aussi fortes que Tracteur, Mélane, Loop ou Chaouin.

Comme plusieurs l'ont mentionné, on ressent un partage de plus en plus cohérent entre les univers de Fred et d'Olivier, et c'est bien normal, car il ne faut pas oublier que ces deux amis-musiciens s'accompagnent mutuellement dans leurs divers projets musicaux: Galaxie et Fred, mais Le Large Ensemble, Ève Cournoyer et Gros Mené aussi.

Le mot qui me vient à l'esprit lorsque je pense à Galaxie 500, c'est "efficacité". Sous ses airs strictement instinctifs, la musique de ce band a la qualité d'être riche, et ce, sans amputer l'énergie et l'ambiance rock qu'on apprécie tant chez des artistes tels que Bob Log 3, Tom Waits, John Spencer ou même Jimi Hendrix.

Sur scène, Galaxie 500 prend tout son sens. Les voir "live", c'est un peu comme assister à un rallye automobile. Tu te tiens près de l'action et tu attends de voir le gros bolide huilé de la bande à Langevin passer. Quand tu le vois arriver, à toute allure, la pédale au fond, tu profites de chaque seconde pour regarder partout, pour sentir l'énergie et pour te faire péter les oreilles comme peu de groupes savent le faire. Avec un conducteur solide et des membres de l'équipage qui ont du coeur au ventre, tu sens que la Galaxie 500 risque de voler le show, et ce, même si elle n'arrive pas en premier dans les palmarès.

Cet été, j'ai assisté à 4 prestations de Galaxie 500 ( 2x à Tadoussac, Isle-aux-Coudres et FEQ). Avant même d'entendre une note, je savais que tous les éléments étaient réunis pour que ce soit bon, car on parle ici d'un groupe extrêmement complet: Olivier Langevin à la voix et à la guitare, Vince Peake de Groovy à la basse et à la voix, François Lafontaine de Karkwa aux claviers et à la voix, Pierre Girard (réalisateur émérite) à la guitare rythmique et Fred Fortin ou Pierre Fortin (Dales Hawerchuck et Fréres Chemineaud) au drum.

À mon avis, Olivier, en bon capitaine, semble de plus en plus en mesure d'être le leader de son groupe qu'aux débuts de Galaxie. Je le sens plus à l'aise, plus énergique et j'ai l'impression qu'il a plus de fun. Il suffit de le voir jammer et communiquer avec tout son band pour s'en rendre compte, spécialement avec son claviériste; on a presque l'impression qu'ils sont frères.

Musicalement, la machine est très puissante.: des sons pesants comme Black Sabbath, des envolées à la Pink Floyd (époque Astronomie Domine), des structures et des ambiances "Beatliennes" et des riffs à la John Spencer, c'est ça du Galaxie 500 live: du rock; du vrai.

Sabin et la relève "Fleury"ssante

Texte écrit en novembre dernier dans les commentaires du Voir.

Espérons qu'avec cet album Sabin Fleury prendra racine dans le paysage musical québécois, car il a tout pour réussir: dextérité musicale, originalité, humour, plume aiguisée, talent de compositeur, etc. Au moment où notre relève musicale est fleurissante et où la scène émergente commence récolter le fruit de ses semences, Sabin nous propose un disque qui a la qualité d'être accessible tout en étant riche et saugrenu. De plus, on peut dire que ce joyeux luron a réussi à donner une couleur et une saveur personnelle à son album sur lequel s'enchevêtrent plusieurs styles musicaux tous aussi cohérents les uns que les autres: rock, progressif, funk, disco, country, etc.

Voguant sur un fil conducteur ancré dans le terroir québécois, ce multi instrumentiste de talent (il joue de tous les instruments) nous fait également voyager à travers les époques avec quelques touches dignes de la période "Flower power". Malgré tout, son album demeure actuel et très rafraîchissant. Sur scène, Sabin est entouré de très bons musiciens. Il nous présente ses compositions avec beaucoup d'énergie tout en n'hésitant pas à "jammer" et à sortir du cadre avec quelques reprises: King Crimson, Modest Mouse, The clash, The Strokes, Rush et Monsieur Tranquille. Si vous voulez avoir une idée, imaginez à quoi ressemblerait le mariage improbable d'un Plume partant en tournée avec les Beatles, Fred et Dédé Fortin, Flea, King Crimson et d'autres monstres musicaux.

Si Sabin a réussi à faire un album accessible sans sombrer dans le prêt à manger et le fast-food musical insipide, c'est parce qu'il n'a pas la prétention d'être le chef cuisinier d'un restaurant huppé du Plateau qui dissimule la simplicité de ses recettes derrière une table 7 services autour de laquelle les clients, ahuris, ont peine à comprendre par quel ustensile commencer. Au contraire, Sabin est un artisan de la chanson qui se présente à nous tel qu'il est; c'est-à-dire à l'aide de chansons bien grasses, parfois salées, quoique nutritives et déstabilisantes. Lorsque la simplicité se marie à la complexité avec une telle aisance, c'est qu'on est en présence d'un grand chef.

dimanche, août 06, 2006

Notre Mononc' cochon...un mal nécessaire!

Samedi, 5 août 2006 (20h)

L'antithèse sautait aux yeux hier soir: une prestation de Mononc' Serge dans le sous-sol d'une église de Tadoussac. C'est à croire que Bob Dylan avait raison: Le monde et les temps changent...

L'univers du Mononc' de 36 ans est saturé d'antithèses. Si on le prend au premier degré, Mononc' Serge, alias Serge Robert, est une personne grossière, insensible, agressive et haineuse. On pourrait alors l'associer aisément à Jef Fillion. Mais il faut fouiller plus loin et creuser assez pour se rendre compte que Mononc' Serge est un personnage créé par Serge Robert. D'ailleurs, Serge Robert s'exprime généralement à la troisième personne en spectalce: "Mononc' Serge n'aime pas ...., il croit que....", etc. Fin analyste (Bacaisses), il se sert de la musique pour se défouler (Bed and breakfast) et pour faire passer un certain message (Gala de l'Adisq et Pense que Noël...).

Ceux et celles qui n'ont pas compris ça ne peuvent pas réellement saisir l'univers subtil de l'ancien bassiste des Colocs. Ils ont alors deux choix:

1. L'aimer sans le comprendre en le prenant au premier degré: croire qu'il est toujours gelé, qu'il passe ses journées entières à boire de la bière, qu'il est agressif, déplaisant, irrévérencieux de la tête au pied, révolté, irrespectueux de tout ordre établi, etc. On s'approche alors du "moron", tel qu'il le décrit dans sa chanson Je chante pour les morons.

2. Le détester pour tout ce qu'il représente.

Je ne tiens pas à convaincre qui que ce soit que ce qu'il fait est bon, car je peux très bien comprendre qu'on puisse ne pas aimer Mononc Serge, je crois même qu'il en fait beaucoup pour que ce soit le cas. Je pense simplement qu'il est important de comprendre le personnage et c'est pourquoi j'ai envie de vous partager ma propre interprétation de ce phénomène.

Partons du principe que Serge Robert est un excellent musicien qui roule sa bosse depuis longtemps: groupes amateurs au répertoire metal et hard-rock, bassiste des Colocs, membre des Blaireaux avec Yves Desrosiers, participation à d'autres groupes à caractère "chansons humoristiques" et le projet Mononc Serge - à géométrie variable - (en solo, en trio, avec Anonymus et en quatuor.). Homme à tout faire (basse, guitare, réalisation, textes, pochette, vidéo, etc.), Mononc Serge s'est peut-être rendu compte que, pour percer le marché et se démarquer de ce qui se faisait lorsqu'il a quitté les Colocs en 1995, il fallait oser. Fidèle à ses racines metal et influencé par ses études en philosophie et par Plume Latraverse, peut-être, Serge Robert a pris conscience de quelques trucs: il n'a pas une voix très crédible, il sait faire rire les gens, il ne sera jamais mieux servi que par lui-même, il est en mesure de mettre ses textes à l'avant et l'univers de la chanson québécoise n'a plus de chanteurs dérangeants.
La porte était donc ouverte pour qu'un personnage tel que Mononc Serge fasse son appartition. Depuis, il ne cesse de repousser les limites. Après s'être attaqué à la famille Cloutier, à Luc Plamondon, à la famille Dion, à Sébastien Benoît, aux politiciens, aux grosses Acadiennes, etc. et avoir repoussé les limites du bon goût avec des chansons telles que Simone, Fourrer, Pense que Noël..., Anne à la maison..., etc., on se demandait comment il pourrait s'y prendre pour aller plus loin et pour continuer à déranger. Réponse: il a osé s'en prendre à ses propres fans avec une chanson lucide intitulée Je chante pour les morons, un constat très réaliste qui ne manque toutefois par de faire tabac lorsqu'il la présente en spectacle. À travers tout ça, il a couché des textes politiques, anecdotiques (Les Avaleurs de Bites, Courir nu sur le plage, Hilary, etc.) et inoffensifs (Rien, les Patates, etc.)
Sa plume est incisive, quelque peu adolescente, révoltée et légèrement scatologique (Fini d'chier, Requiem pour la marde, etc.), mais il n'en demeure pas moins qu'elle est fichement bien tournée, que ses textes sont d'une profondeur sous estimée, que sa maîtrise du français est surprenante et que son sens de l'imagination est sans fin. Pour moi, le personnage de Mononc' Serge est un amalgamme de Plume Latraverse, pour l'intelligence du propos; d'Yves Lambert, pour sa bonhomie; et d'Elvis Gratton pour son côté cru et caricatural.

Après s'être associé à Anonymus avec l'Académie du Massacre et avoir connu le plus grand succès commercial de sa carrière en tant que Mononc', l'artiste originaire de Laval est revenu à lui-même. Sur son dernier opus, Serge Blanc d'Amérique, on peut ressentir l'influence agressive et pesante de son projet avec Anonymus (Hitler Robert, Bed and Breakfast, Je chante pour les morons), mais on retourne également dans le monde musical du Mononc' Serge qu'on connaît: un monde où se côtoient le trash, le rock et le folk.

Sur scène, quelques changements de personnel attirent mon attention: Serge a troqué sa basse contre une guitare sèche sans courroie, comme lors de ses shows en solo; c'est David Valentine qui, avec un afro à la Sideshow Bob, remplace Mononc à la basse; à la batterie, il est appuyé par Michel Dufour (aussi avec WD40), complice de longue date très efficace qui semble toujours sur le point de roter; et c'est à Peter-Paul que revient le défi de remplacer Olivier Langevin à la guitare. À ma grande surprise, la nouvelle famille de Mononc fait bon ménage, la musique est toujours aussi agressive, les "back vocaux" sont justes et la cohésion est évidente. Les seuls petits accrocs surviennent lorsque le débit de Mononc ne suit pas complètement la route, mais c'est assez rare et facile à pardonner, car il faut avoir la langue très rapide pour souffler une page de paroles en 30 secondes.

Hier soir, Mononc' Serge a donné un spectacle à la hauteur de sa réputation de bête de scène et à la hauteur de mes attentes: hyperactif, comique, énergique et extrêmement divertissant. Son concept de "Sarge Jazz Band" dans lequel il fait semblant qu'il joue autant de jazz que tous ceux qui ont participé au Festival de Jazz de Montréal, supporte toute l'absurdité de son discours. Comme toujours, il a déployé toute l'énergie nécessaire pour que personne ne s'emmerde: costume, acrobaties sur un tabouret, calage de bière, bière sur la tête, participation au slam, signes de "devil", etc. Derrière cette bête de scène se cache pourtant un homme d'affaire de 36 ans qui semble fondamentalement gentil, calme et lucide (les sandales en font foi...).

Une question m'a traversé l'esprit hier: que fera Mononc Serge lorsqu'il aura 55 ans? Continuera-t-il dans la même veine ou s'adoucira-t-il?
La réponse figure peut-être sur son dernier disque: RIEN.

Anecdotes:

- Sur le côté de la scène, j'ai été subjugué de voir une jeune fille de 9 ou 10 ans qui connaissait et chantait toutes les chansons de Mononc en levant son bras vers le ciel comme une vraie démone... "Fourrer, c'est une fatalité, c'est ma finalité, c'est ma raison d'être...". Je n'étais pas capable de détourner mes yeux de cette petite fille. Je ressentais un mélange d'inconfort, de curiosité et de pitié. Le plus drôle, c'était de voir sa mère essayer de comprendre ce qui se passait sous ses yeux.

- Au début de la soirée, j'ai rapidement compris que j'allais être un des plus vieux du public présent au show de Mononc Serge. En allant me chercher une bonne Cheval Blanc dans un verre de plastique, j'ai croisé un de mes valeureux élèves de cinquième secondaire. Après des salutations polies, je suis retourné à mon siège en lui disant "Bon spectacle". Quelques minutes plus tard, il était en train de danser et de chanter sur la scène au grand étonnement de Mononc' Serge et des organisateurs. Faut que jeunesse se fasse, me suis-je alors dis.

- Étant donné que Serge Blanc d'Amérique vient à peine de voir le jour, je ne m'attendais pas à ce que Mononc' nous présente des nouvelles compositions. Il nous en a pourtant présenté deux: une qui parle du fait que personne ne l'a encore traîné en cour (Tout l'monde se crisse de Mononc' Serge) et une qui parle des préjugés entretenus à l'endroit des fans de heavy metal: "Aujourd'hui, dans l'parc d'la Véranderie, je risque ma vie pour le metal". Lorsqu'il a présenté cette nouvelles chanson, il a aussitôt eu l'appui de la faune de cheveux longs et de t-shirts noirs qui s'était entassée près de la scène. Il en a alors profité pour leur dire: "Avez-vous remarqué que, à l'Assemblée nationale du Québec, il n'y a aucun métalleux? Pire à la place de l'insipide Mikaelle Jean, pourquoi ne mettrions-nous pas Snake de VoiVod ou Lord Worm de Cryptopsy?
Serge Robert est un vrai fan de metal...

Chansons jouées lors du show:
- Patates
- Fred (la voix de Fred est assuré par Peter-Paul)
- Lac St-Jean
- Frustré
- Pense que Noël est un jour comme les autres
- Hitler Robert
- Bed and Breakfast
- Maman Dion
- Marijuana
- Fourrer
- West Edmonton Mall
- Fini d'chier
- Simone
- Tout l'monde se crisse de Mononc' Serge (nouvelle)
- Saskatchewan
- Dans l'parc d'la Véranderie (nouvelle)
- Je chante pour les morons
- Destruction
- Rien
____________
- Requiem pour lamarde
- Âge de bière
- Ogonquit
- Anne à la maison au pignon vert

mercredi, août 02, 2006

Go-Go Gogol Bordello

Et non, ce n'est pas le nom d'une nouvelle marque de sandales, ni celui d'un nouveau cépage italien. Il s'agit plutôt d'un groupe de gypsy punk complètement débile.
Je ne ferai pas semblant que je connais ce groupe depuis belle lurette, car je viens tout juste de faire connaissance avec leur univers. Mais quel univers. Le terme disjoncté ne leur va même pas à la cheville. Fou non plus; c'est pire que ça.
Pour faire une histoire courte, ce groupe basé aux États-Unis rassemble un chanteur ukrainien et des musiciens d'origines diverses (Israel, USA, Russie, etc.).
Leur musique est un amalgamme de punk et de musique gypsy avec des légères ressemblances à des artistes tels que The Pogues, Mano Negra (d'ailleurs, ils reprennent un standard de Manu Chao) et même Kurt Weil sur la chanson Start Wearing Purple (Whisky Bar).
Les écouter, c'est quelque chose, mais les voir en prestation semble être une expérience en soi: chanteur hyperactif ressemblant physiquement à Frank Zappa et Les Claypool qui court partout, qui joue de la guitare comme un vrai gitan et qui danse comme si le feu était pris à ses habits fluo; un violoniste d'environ 60 ans qui porte la barbe, les cheveux longs et un t-shirt de Slayer; des filles sorties tout droit d'un cirque qui courent partout, tapent sur des percussions diverses, se font "maltraiter" par le chanteur à la pilosité douteuse, etc.
Allez jeter un coup d'oeil par vous-mêmes, car ça vaut le détour. Si toutes leurs chansons ne sont pas excellentes, Start Wearing Purple pourrait bien devenir un hymne et une prestation de Gogol (mongole) Bordello doit relevé du sport extrême. Le Festival d'Été de Qc ferait un grand coup en les invitant pour l'édition 2007. En attendant, ils seront du Vans Warped à Mtl bientôt.
Qui sait, ils réussiront peut-être à me faire aimer le mauve...ishh!

www.gogolbordello.com

http://www.youtube.com/watch?v=p_81l4DXlwM&search=gogol%20bordello

http://www.youtube.com/watch?v=N6DWCyf_dWI&search=gogol%20bordello

http://www.youtube.com/watch?v=GKkHMgCYMpM&search=gogol%20bordello

Buck 65 (2 jullet 2006 au Club Soda)

"Je ne me soucie pas tant que ça d'être connu. Je veux surtout faire de la musique et pouvoir en vivre. Mon plus grand succès serait de laisser une trace. Je mets tout ce que je connais dans les chansons que je fais. Toute la musique que j'écoute, tous les livres que je lis, tous les films que je vois, tous les gens que je rencontre, j’y mets toutes mes tripes."-Buck 65 (www.buck65.com)
Une trace, c'est certain que Buck 65 en laissera une. Que ce soit sur la scène hip-hop, folk, canadienne ou tout simplement sur la scène de son Halifax natale dans lequel il s'est inspiré pour la plupart de ses chansons, cet artiste mérite une place de choix parmi ceux qui ont fait évoluer la musique des dernìères années.
Pourquoi? Parce qu'il réussit à réconcilier folk et hip-hop (il possède 15 000 albums de hip-hop et semble tout aussi intéressé par Tom Waits, The Clash, Gainsbourg, Cohen, Velvet Underground, etc.), à mélanger les styles de façon unique et instinctive, à repousser les stigmates du rap, à oser puiser dans ses influences de mélomane averti pour charmer un public pas toujours firand de ce genre de musique, mais surtout parce qu'il le fait bien, parce qu'il a du talent et parce qu'il captive comme peu sont capables de le faire avec autant d'aisance et de naturel.
Dans le cadre du Festival de Jazz de Montréal, Buck 65 a donné un spectacle à la hauteur de mes espérences dimanche le 2 juillet dernier au Club Soda. Un mois plus tard, j'essaie de faire un "retour de son" de cette prestation électrisante.
J'en étais à ma deuxième expérience, car j'étais présent au spectacle de Buck présenté au Off Festival d'été de Qc en 2005. Sa prestation lui avait d'ailleurs permis de terminer second dans mon top 10 des shows de l'année passée. Il était alors seul et son dernier opus venait tout juste d'attérir sur les tablettes des magasins.
Cette année, c'était très différent, car je connaissais son album par coeur et il s'était entouré de deux musiciens qui se partageaient le piano, la guitare et le batterie. Après une première chanson quelque peu chambranlante (Rough House Blues ou 463, je ne suis pas certain) où le rythme et le débit tentaient de se solidififier en même temps que le son, le sepctacle a pris son envol et nous a dévoilé un Buck 65 en pleine possession de ses moyens. Chanson après chanson, il a fait valoir l'étendu de son talent de parolier, de dj, de chanteur et d'entertainer, car il nous a révélé un sens de l'humour et une vivacité d'esprit que je ne lui connaissais pas, mais qui lui allait très bien.
En harmonie parfaite avec son micro et son équiment de DJ, il a pris toute la place qui lui était permis de prendre et c'est tant mieux ainsi, car ses musiciens, bien que très bons, n'apportaient pas de valeur ajoutée à son spectacle. Leur présence était tellement timide que les chansons "samplées" qu'il interprétait seul ou avec sa femme, comme lors du spectacle que j'avais vu en 2005, ne manquaient pas de dynamisme, de profondeur ou de précision. En ce qui me concerne, je préférais même la vieille formule, car on pouvait se concentrer directement sur SA performance. Il a donc parcouru tous ses albums de façon très cohérente. Au fait, il a joué une chanson que je ne connaissais pas et à réussi à en faire mon coup de coeur de la soirée. Je la cherche toujours d'ailleurs. Outre cette pièce qui m'était inconnue, j'ai adoré Devil's Eyes, Surrender to Stangeness, Drawing Curtains (sexy à souhait) et Wicked and Weird débitée à une vitesse inhumaine.
Je crois que les nombreux spectateurs qui s'étaient entassés au Club Soda cette soirée-là en ont eu pour leur argent. Le rappel fut très intense, l'artiste devant nous était généreux, le choix des chansons pouvait plaire autant aux fans de la première heure qu'aux curieux venus entendre et voir ce que ce rappeur blanc à la voix de roc avait à leur offrir.
Longue vie à Buck 65.

Malajube au Crapet-Soleil (29 juillet 2006)

Mise en contexte

Le soleil survolait tout le ciel de Charlevoix samedi dernier. C'est donc dans un esprit de réelle bonne humeur que je suis embarqué, l'un des derniers, sur le traversier de 15h qui me ferait glisser jusqu'à la rive de l'Isle-aux-Coudres où j'allais passer la journée, la soirée et la nuit de samedi à dimanche. J'aime l'été!

Plug

L'Isle-aux-Coudres, en plus d'être un endroit magnifique et reposant, possède une auberge culturelle qui, à elle seule, rehausse la qualité de vie des jeunes assoifés de culture de la région de Charlevoix et des environs. En effet, le sympathique Crapet-Soleil, tenu de main de maître par Carolanne et Daniel, est l'endroit de prédilection pour assister à des spectacles intimes de qualité. Ce joli bistrot, qui fêtera ses 5 années d'existence sous peu, possède une petite salle de spectacle fort chaleureuse, une terrasse vivante, un menu savoureux et très abordable, de la bonne bière, un hébergement varié (camping, tipi, chambres, cabine, etc.) et un personnel fort attachant. Toutefois, à mes yeux, c'est la qualité de leur programmation qui rend l'endroit aussi précieux. Cette année seulement, des artistes tels que Karkwa, Philippe B., Galaxie 500 et Malajube ont traversé le Fleuve pour venir faire la fête au Crapet-Soleil, une salle très convoitée par les artistes de la relève.

Événement déclencheur

Hier soir, justement, c'était au tour de Malajube de fouler la petite scène du Crapet-Soleil pour la première fois. C'est un peu avant l'heure du souper, alors que j'enfilais le casque de vélo que je porte par obligation morale, qu'un gros campeur blanc traînant une petite remorque a fait son entrée sur le stationnement de l'auberge. Les gars de Malajube en sont sortis en criant:"Enfin arrivés, après 14 heures de route...".
Pendant que je faisais le tour de l'Ile à vélo avec un casque, une question m'habitait: est-ce que cette jeune formation, pour qui la critique s'est amourrachée sur le champ, roule assez sur l'or pour se payer un Winnebago digne des plus grands groupes de musique de l'Amérique? J'ai rapidement appris, après en avoir parlé avec Thomas Augustin, le claviériste, lors de mon retour à l'auberge, que ce n'était pas le cas... "Hier, on jouait à Guelph, en Ontario, et on ne voulait pas être trop serrés pour faire les 14 heures de route qui nous séparaient de l'Ile. Sauf que je pense que c'est la dernière fois qu'on loue un campeur: ça coûte cher pis y'a juste Mathieu (le bassiste) qui a le permis pour conduire ça". Plus tard, pendant leur prestation, Julien a ajouté: "On ne trouve pas de place pour vider le boyau à marde, pis c'est 25$". Bon, ça va, je suis rassuré: les gars de Malajube ont la cote, mais ils ne sont pas encore assez "big shot" pour passer l'année à voyager dans un Winnebago de tournée.

Hamberger / One-Two-Testing / Autographes

Le souper d'avant-spectacle fut accompagné d'une trame sonore composée de sound checks, de débuts de chansons et de "one-two-testing". Par contre, il aurait fallu plus que ça pour ne pas apprécier les délicieux hambergers préparés par Carolanne, notre hôte. Accompagnés d'une bonne pinte de blanche, c'était du bonbon. Petit détail qui fait sourire: pendant l'heure du souper et une partie de la soirée, une jeune fille âgée d'environ 10 ans faisait le tour des Malajubiens pour faire signer son étui à disques compacts. Par contre, rassurez-vous, elle était de loin la plus jeune; ce qui différencie encore largement Malajube des Trois Accords...

Est-ce qu'il va finir par parler du spectacle?

Lorsque le soleil a pris une retraite bien méritée aux alentours de 21h, la salle était remplie de jeunes qui carburaient davantage à la sangria qu'à la Labatt 50. La chaleur de la journée avait rougi les joues des quelques 50 personnes qui commençaient à s'entasser dans l'auberge pour entendre ce que Malajube avait dans le ventre (outre les hambergers de Caro, on s'entend).

Parenthèse

Pour moi, l'arrivée de Malajube dans l'industrie musicale du Québec est majeure. Leur disque est d'une qualité indéniable et il était grand temps qu'un groupe francophone de ce genre vienne faire sa place à côté d'Arcade Fire, Wolf Parade et compagnie. Cependant, je n'ai jamais trouvé que Malajube arrivait à produire l'équivalent de leur album en spectacles. Je trouve que ces derniers n'arrivent pas à accoter l'album, et ce, malgré toute la bonne volonté du band et malgré le fait que j'éprouve tout de même un malain plaisir lorsque je les vois "live". J'ai juste l'impression que la magie et la profondeur de l'album sont difficiles à transférer complètement sur scène. J'éprouve totalement le contraire avec Galaxie 500, qui réussit à surpasser ses albums lorsque la machine se met en branle sous nos yeux.

Ok, aboutis: le spectacle, lui, il était comment?
Dès les premières notes, j'ai été rassuré: le son était bon, voire même meilleur qu'à l'habitude, car il faut dire que le plafond du Crapet est bas et que l'acoustique est loin d'être parfait. Les gars ont commencé leur set doucement. Comme il fallait s'en douter, la température a monté d'un cran lorsque, à la troisième ou quatrième chanson, ils nous ont balancé Montréal -40. Par la suite, l'intensité a pris son envol et n'a jamais cessé d'augmenter. Le point culminant a eu lieu lors de Filles à Plumes, ma chanson préférée et, visiblement, une chanson appréciée par plusieurs, car un espèce de petit "slam" gentil s'est créé dans le coin gauche de la salle pour accompagner cette pièce furieuse qui me rappelle l'énergie débridée de Mars Volta. Autres moments forts: Monogamie et Casse-cou. Comme la réalité de l'Ile l'oblige en raison du dernier traversier, le spectacle a pris fin vers 23h, après un rappel décousu d'environ 4-5 chansons qui s'est terminé sur des notes insupportables s'évadant de la guitare de Julien. Le message était clair: le show est terminé... Ce fut un spectacle efficace. Les chansons de Malajube se suffisent à elles-mêmes. D'ailleurs, heureusement qu'ils ont de bonnes chansons, car ils ne sont pas très bavards et motivés à instaurer un contact autre que musical avec la foule, ce que je respecte. Disons juste qu'ils sont très différents des Dales Hawerchuck qui, contrairement à Malajube, mettent pratiquement autant de vie et d'effort entre leurs chansons que pendant celles-ci. Au niveau musical, la voix de Julien était très juste (on dirait qu'il chuchotte, mais avec force et naturel), tout comme son jeu de guitare subtil, mais franc et direct. J'ai souvent l'impression, lorsque je le regarde jouer, qu'il aimerait sortir du cadre des chansons, jammer, changer, inventer, etc. À ses côtés, les assauts vocaux de Thomas ajoutaient de la folie à la voix de son comparse tout en m'aparaissant un peu plus hésitante et moins stable. Par contre, son énergie et l'efficacité de son jeu de clavier compensent pour ces détails mineurs et de moindre importance. La section rythmique est, de son côté, régulière et sans tache. On sent que l'apport de Francis, qui joue de la batterie avec force et précision, est indéniable et que celle de Mathieu, qui est un peu plus effacée, est rassurante et enveloppante. Mention spéciale au cinquième Malajube qui a passé la soirée à changer d'instruments et à donner tout ce qu'il avait dans le ventre pour faire éclater les mélodies du groupe aux quatre coins de la salle. Lorsque les dernières notes se sont éteintes et que les lumières se sont allumées, j'ai vu passer la jeune admiratrice de Malajube qui pressait fermement son étui rose contre le t-shirt trop grand de son groupe préféré avec un sourire fendu jusqu'aux oreilles. Elle ne devait alors que peser une plume...

Conclusion

J'ai donc repris le traversier ce matin et je n'ai pu m'empêcher d'écouter Filles à plumes pour faire fondre les petits croutons secs que j'avais autour des yeux et pour me rendre compte que, finalement, j'avais encore une fois passé une très belle soirée au Crapet-Soleil!

De la musique avant toute chose... (Verlaine l'a dit)

C'est toujours la même musique...

La musique passe avant toute chose.

C'est ma porte d'entrée et ma porte de sortie.

Cette vitrine me servira donc de sortie et servira d'entrée à ceux et celle qui voudraient suivre mes relations avec elle.